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Le bombardement de l’hôpital de Kunduz est-il un crime de guerre ?

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Le Monde.fr | 07.10.2015 à 17h03 • Mis à jour le 07.10.2015 à 18h00 | Par Cécile Hennion

L'hôpital de Kunduz, le 3 octobre.

L’organisation humanitaire Médecins sans frontières (MSF) a, mercredi 7 octobre, à Genève, de nouveau qualifié de « crime de guerre » le bombardement dans la nuit du 3 au 4 octobre de son hôpital de Kunduz (Afghanistan), qui a fait 22 morts parmi les patients et le personnel soignant. Que recouvre cette accusation, et quelles peuvent être ses conséquences ?

  • Qu’est-ce qu’un crime de guerre ?

Le Statut de la Cour pénale internationale (CPI) définit les crimes de guerre comme des « violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux ». Notion a priori subjective, la « gravité » des violations est reconnue, dans la pratique, lorsque ces violations impliquent des morts, des blessés, des destructions ou des prises illégales de biens.

Un autre élément entre en compte pour évaluer la « gravité » : si la violation contrevient aux « valeurs importantes ». Les exemples donnés dans cette catégorie par le droit international humanitaire (DIH) coutumier sont, entre autres, la mutilation de cadavres, le fait de faire subir des traitements humiliants à des personnes ou encore l’enrôlement dans les forces armées d’enfants âgés de moins de 15 ans.

Les crimes de guerre peuvent consister en des actes ou en des omissions (comme le fait de ne pas fournir de nourriture ou des soins médicaux nécessaires aux personnes qui se trouvent aux mains de l’adversaire). Si ces actes ou omissions sont « généralisés » et « systématiques », on peut alors parler alors de « crimes contre l’humanité ».

  • Cette définition peut-elle s’appliquer à la destruction de l’hôpital de Kunduz ?

Les autorités américaines risquent de contester une telle accusation, même si celle-ci paraît assez bien établie dans le cas de l’hôpital de MSF. Parmi la longue liste des crimes de guerre recensés par le DIH figurent en effet « le fait d’attaquer le personnel sanitaire ou religieux, les unités sanitaires ou les moyens de transports sanitaires » ; « le fait de soumettre à une attaque la population civile ou des personnes civiles ne participant pas directement aux hostilités ». Le cas du bâtiment de l’hôpital de Kunduz, bombardé pendant près d’une heure, en partie détruit et incendié, avec un bilan de 22 morts et 37 blessés parmi les médecins et les patients de l’établissement, pourrait donc entrer dans la catégorie des crimes de guerre.

A l'hôpital de Kunduz, le 7 octobre.

Même à considérer une situation hypothétique (et démentie par Médecins sans frontières) selon laquelle des combattants auraient utilisé l’hôpital pour se réfugier, voire comme base de lancement d’attaques, le DIH considère clairement comme un crime de guerre « le fait de lancer une attaque en sachant qu’elle causera incidemment des pertes en vies humaines ou des blessures parmi la population civile ou des dommages aux biens de caractère civil qui seraient manifestement excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu ».

Les attaques dirigées contre le personnel humanitaire, qui se sont multipliées de façon inquiétante lors des derniers conflits, sont également considérées comme un crime de guerre par le DIH.

  • Qui sont les responsables ?

Différentes enquêtes ont été annoncées par les autorités américaines, afghanes, et par l’OTAN. Le général John Campbell, chef des forces américaines et de l’OTAN en Afghanistan, a d’ores et déjà affirmé au Sénat, mardi 6 octobre, que « la chaîne de commandement américain » avait failli en ordonnant le bombardement de l’hôpital à la demande des Afghans. Il a même parlé d’« erreur ».

Mais MSF réclame – en vain à ce stade – une véritable enquête internationale, indépendante, puisque les responsabilités de nombreux acteurs – OTAN, armée américaine, autorités et armée afghanes – peuvent s’entremêler dans ce genre de cas. La présidente de l’ONG, Joanne Liu, a exigé, mercredi, la création d’une « commission internationale humanitaire pour établir les faits », indiquant « ne pas faire confiance à une enquête militaire interne ».

La présidente de MSF, Joanne Liu, et son directeur pour la Suisse, Bruno Jochum, le 7 octobre à Genève.
La présidente de MSF, Joanne Liu, et son directeur pour la Suisse, Bruno Jochum, le 7 octobre à Genève. FABRICE COFFRINI / AFP

Par ailleurs – et dans la tragédie de Kunduz il pourrait s’agir d’un point essentiel –, le droit international a introduit dans sa définition de crime de guerre l’« élément psychologique ». La jurisprudence internationale a en effet indiqué que les crimes de guerre sont des violations qui sont commises « avec intention », c’est-à-dire avec « l’intention de provoquer le résultat criminel » ou avec « négligence coupable ou imprudence ». C’est pourquoi le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, a estimé que si cette frappe était reconnue comme délibérée, elle pourrait « constituer un crime de guerre ».


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